Vivre ses rêves ou mourir avec ses regrets ?

Faut-il vivre ses rêves ou mourir avec ses regrets ? 

L’australienne Bronnie Ware, infirmière en soins palliatifs, a posé pendant des années cette question à ses patients en fin de vie :

« Quels sont vos 5 plus grands regrets ? »

Voici leurs réponses.

  1. J’aurais aimé avoir eu le courage de vivre ma vie comme je l’entendais et non comme on l’attendait de moi.
  2. J’ai consacré trop de temps à mon travail.
  3. Je regrette de ne pas avoir eu le courage d’exprimer mes sentiments.
  4. J’aurais aimé rester en contact avec mes amis.
  5. Pourquoi ne me suis-je pas autorisé·e à être plus heureux·se ?

Vivre ses rêves ou mourir avec ses regrets ?

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Arriver à la fin de sa vie satisfait de son existence est un beau cadeau ! Mieux vaut-il vivre ses rêves ou mourir avec ses regrets ? 

Exister sans insatisfaction est impossible, mais il est possible d’arriver à la fin de sa vie en étant content de ce qu’elle a été. Cela implique de prendre chaque jour de courageuses décisions, de montrer nos émotions et sentiments à celles et ceux qui nous sont chers et d’exprimer nos besoins et limites. Trouver ce courage et l’appliquer quotidiennement est difficile, mais une fois sur notre lit de mort, nous ressentirons moins de chagrin si nous avons osé.

Depuis une trentaine d’années, j’accompagne des vieux en les aidant à maintenir au mieux leur autonomie. De 2016 à 2022, j’étais animatrice en Ehpad où, en cohérence avec le projet de la structure, je stimulais les capacités des résidents, leur offrais du bien-être en favorisant le lien social avec les familles et l’extérieur. 

En 2020, la pandémie a bousculé certaines de mes valeurs. Quels traitements indignes notre gouvernement nous a t-il fait subir ? Et qu’avons-nous donc fait endurer à nos vieux ? Depuis la crise sanitaire, les manques de moyens (humains, financiers, matériels…) dans nos hôpitaux ne cessent d’augmenter. Tout cela se répercute sur la qualité d’accueil, d’accompagnement des patients, de leurs familles et des professionnels. La maltraitance institutionnelle, déjà responsable depuis de nombreuses années des dysfonctionnements dans les établissements de santé, continue son œuvre. 

Nous nous construisons dans la projection de notre avenir. Si on nous demande « qu’est-ce que vivre ? », chacun donnerait sa vision : « accompagner ses enfants à être heureux dans la vie », « se réaliser », « voyager », etc. Toutes ces réponses ont un point commun : la notion de projection de soi vers l’avenir. 

Depuis bientôt trois ans, l’angoissant climat dans lequel notre pays est plongé (Covid-19, guerre en Ukraine, pénuries diverses, crise énergétique, etc.) assombrit notre futur. Dans ces conditions, comment bien vivre, afin de ne pas avoir de regret, à la fin de notre vie ?

La clé pour aller de l'avant, c'est d'accepter ce qui est. Vivre ses rêves ou mourir avec ses regrets ? 

Nous naissons innocent·es, insouciant·es, naïf·ves. Puis, nous grandissons, développant notre autonomie en imitant notre entourage. Les explorations, découvertes, expérimentations nous amusent et nous permettent d’acquérir de nouvelles libertés. Les félicitations que nous recevons nous procurent de la joie et nous motivent à exprimer nos besoins. Voyant ceux-ci nourris, nous nous sentons heureux·ses et poursuivons puérilement nos apprentissages. 

« J’aurais aimé avoir eu le courage de vivre ma vie comme je l’entendais et non comme on l’attendait de moi. »
N’ayez pas peur de vivre une vie que les autres ne comprennent pas !

Oser être nous-mêmes n’est pas évident. Nous avons coutume de nous définir par nos noms, prénoms, lieu de naissance, lieu de vie, diplômes, métiers, par nos loisirs ou nos activités, etc. Mais tout cela fait-il de nous ce que nous sommes réellement ? Observons que nous sommes différents en fonction des endroits et des gens avec qui nous interagissons :

  • au travail, nous sommes dynamiques, organisé·es, rigoureux·ses, créatif·ves… 
  • avec nos proches, nous nous montrons jovial·es, bienveillant·es…
  • auprès des enfants, nous devenons joueur·ses, pédagogues, protecteur·rices…
  • dans la rue, nous sommes pressé·es, parfois méfiant·es, contemplatif·ves…

Qui sommes-nous vraiment ? Nous sommes un ensemble d’éléments complexes et évolutifs. Nous nous sentons différent·es de l’enfant insouciant·e que nous étions. Quand le tout-petit bascule-t-il de la désinvolture aux angoisses “de grands” ? À quel moment notre joie de découvrir est-elle remplacée par la peur de chuter, d’échouer, de ne pas être à la hauteur, parfois même de réussir, de nous accepter tel que l’on est, de vieillir, de transmettre et de mourir ? Où et quand s’opère le changement ?

Découvrons deux récits.

Voici deux récits …

Je rencontre Margarethe, une vieille dame de 89 ans, dans un salon de coiffure. Ce qui se vit là touche à l’image que l’on a de soi-même, que l’on veut donner aux autres et que les autres nous renvoient. Curieusement, dans ces lieux, tout comme dans les taxis, les client·es se confient sans réserve. Examinant mes cheveux frisés, Margarethe engage la conversation :

« Ils sont beaux les vôtres ! Les miens sont fins, cassants et laids. Je suis petite, grassouillette ; pour garder la ligne je me suis privée de manger ce que j’aimais. Je me suis empêchée de sourire à cause de mes dents mal alignées. Toute ma vie, j’ai pensé n’avoir aucune valeur car je ne suis pas allée à l’école. Aujourd’hui, je réalise toutes ces années perdues que je ne rattraperai plus ! »

Petite, j’aimais gribouiller et, lorsque j’offrais mes dessins, on me félicitait. Quand je suis rentrée à l’école, je me suis sentie désorientée. En effet, on m’imposait de respecter un cadre, et si j’en sortais, on me traitait d’indisciplinée. Enfant, lorsque je rotais, on m’applaudissait ! Aujourd’hui, on me traite de malpolie. Pour quelle raison, gamine, je pouvais grimper aux arbres, tomber, chasser les papillons, me salir, mais plus âgée, je devais m’asseoir correctement, garder mes vêtements immaculés et mes cheveux bien coiffés ? Pourquoi ma période de bonheur d’explorer, de toucher, de goûter, d’imaginer, de rêver a-t-elle été remplacée par la conformité ? Qui a décrété que nous devions toutes et tous être semblables, au risque d’être rejeté·es ? J’aime ce dicton : “Soyez vous-même, les autres sont déjà pris !” 

Si nous passons autant de temps à travailler, ce n’est pas parce que nous aimons ce que nous faisons. Le statut social qui accompagne le travail, le rôle qu’il nous donne face à notre entourage et à la société, notre besoin d’avoir toujours plus, tout cela nous prive de précieux moments avec ceux que nous aimons. 

« J’aurais aimé avoir consacré moins de temps à travailler. »

Qui ne s’est pas dit un jour : « Demain, lorsque j’aurai plus d’argent ! » « On verra, lorsque j’aurai plus de temps ! » « Je pourrai quand les enfants seront grands ! » « Plus tard, quand je serai à la retraite ! »

À force de penser au futur, de conditionner notre bonheur à l’atteinte de certains résultats et d’agir comme si nous avions tout le temps, nous finissons par oublier que tout se passe maintenant. Il est légitime de vouloir rechercher des conditions de vie meilleures. Nous devons simplement trouver un équilibre entre :

  • travail,
  • temps consacré à prendre soin de nous-mêmes et à faire ce que nous aimons,
  • temps partagé avec les personnes qui nous sont chères.

Vivre ses rêves ou mourir avec ses regrets ? Nous devrions peut-être régulièrement nous poser cette question. Car si la vie nous donne la chance de vieillir, tôt ou tard, nous réaliserons que le parcours touche à sa fin. 

Quand bien même elle est inéluctable, les sociétés occidentales ont éloigné la mort de nos existences. Avant de quitter ce monde, si le départ ne survient pas brutalement, nous faisons un bilan lucide et objectif de notre vécu en revisitant nos réussites et échecs. Étrangement, certains rêves inachevés, diverses défaites, quelques envies inassouvies, des amours déçus, etc., tout cela efface les victoires, les succès et les triomphes que nous avons remportés.

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« Je regrette de ne pas avoir eu le courage d’exprimer mes sentiments. »
« J’aurais aimé rester en contact avec mes amis. »

Et si nous osions être nous-mêmes ? Finies, les peurs, les suspicions du regard des autres, la honte, les inquiétudes d’échouer. Terminé, le manque d’estime de nous-mêmes ! Retirons nos masques et cessons d’être complaisants ! En assumant ce que nous sommes, en osant être nous-mêmes, être sans paraître, simplement être, nous serons aimés ou détestés pour ce que nous sommes, et nous cesserons de vouloir contrôler les autres.

Apprenons chaque jour à fixer nos limites, nous développerons alors un mode de communication sain. Exprimer nos ressentis et formuler nos besoins par une demande claire deviendra un jeu d’enfant ! Néanmoins, nous devrons pratiquer encore et encore, afin de garder le lien avec celles et ceux qui nous sont chers. N’ayons pas peur d’exprimer nos pensées ! La plupart du temps, le courage d’exprimer nos sentiments profonds permet d’établir et de cultiver des relations fortes, spéciales et positives. Mais, par peur de déplaire, nous les réprimons.

De 2016 à 2022, en tant qu’animatrice en Ehpad, j’ai eu le privilège de recueillir des souvenirs, des anecdotes, des histoires, des confessions, des secrets que les vieux me livraient.

Il n’y a pas de bonheur plus grand que celui d’être aimé par ses semblables et de sentir que notre présence est une joie pour eux. La solitude, c’est bien plus que la sensation d’être délaissé. Elle se manifeste par la perception d’être incompris et rejeté par les autres. Ce n’est donc pas la quantité des relations, mais bien leur qualité qui contribue à notre épanouissement.

Le bonheur est un état émotionnel agréable, équilibré et durable dans lequel se trouve quelqu’un qui estime être parvenu à la satisfaction des aspirations et désirs qu’il juge importants.

On présente souvent le bonheur comme le but le plus élevé de l’existence de chacun. Mais nous confondons bonheur et plaisir, pensant qu’être heureux, c’est avoir. 

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« J’aurais dû m’autoriser à être plus heureux·se. »

L’injonction au bonheur, de plus en plus présente dans notre société, a des effets pervers. Tout d’abord, différencions plaisir et  bonheur :

  • le plaisir peut être défini comme une satisfaction immédiate venant d’une source extérieure, il est éphémère, ponctuel ;
  • le bonheur est un état de contentement durable sur lequel nous seuls avons le pouvoir. Il peut toutefois se volatiliser aussi vite qu’il est apparu. C’est pourquoi, sans même nous en rendre compte, nous sommes constamment à sa poursuite. Et c’est précisément ainsi que nous devenons malheureux. 

Notre existence ne dépend pas de ce qui nous arrive, mais de notre manière de considérer et de voir les choses. Et si nous cessions d’être les esclaves des plaisirs extérieurs qui nous donnent l’illusion du bonheur ? Nous pourrions observer ce qui se passe en nous ? Nous comprendrions peut-être que nous sommes les créateurs de nos vies ? Nous aurions alors le choix : vivre nos rêves ou mourir avec nos regrets.

 

Cet article a 4 commentaires

  1. Amelie

    Un plaisir de te lire
    Une belle leçon de vie à chaque article
    Une façon de pensée qui me correspond
    Une très belle rencontre !
    Merci Nathalie

  2. Pierre

    « Vivre ses rêves ou mourir avec ses regrets ? Nous devrions peut-être régulièrement nous poser cette question. » Totalement d’accord ! Très beau texte.

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