Le deuil

Le deuil : une définition

Le deuil est un élément naturel de la vie qui nous touchera tous. Il survient lors de la perte définitive d’un être auquel nous étions attaché. Souvent associé à la souffrance, le deuil est aussi considéré comme un processus nécessaire de délivrance, nommé résilience. Dans le monde, chaque culture fait de la mort un moment particulier. Depuis toujours, le passage de la vie à la mort est accompagné par des rites funéraires. Le deuil étant différent en fonction des sociétés.

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Dans les religions monothéistes (christianisme, judaïsme, islam), les défunts sont honorés et célébrés par les familles qui les accompagnent vers un autre monde. Les différents textes religieux donnent à la mort une place particulière. Il est dit que la vie ne s’arrête pas lorsque l’âme quitte le corps, mais que quelque chose perdure dans l’au-delà.
Dans la tradition hindoue, l’âme du défunt abandonne le corps pour se réincarner ailleurs. L’incinération est pratiquée car elle faciliterait la réincarnation.

En France, les dernières décennies ont vu apparaître des évolutions des rites  funéraires accompagnants le deuil. Si la plupart proviennent des religions, cela ne signifie pas que seuls les croyants donnent du sens à la mort. Le parcours des funérailles, de la toilette rituelle, en passant par la cérémonie religieuse, jusqu’au lieu de sépulture peut être différent en fonction du culte. De nos jours, les funérailles peuvent être soumises à des contraintes, parfois administratives. Exemples : le respect des délais d’inhumation ou de crémation et leurs réglementations. La conservation des cendres, le transfert de cercueil, le délai pour une reprise de concession abandonnée…
Il est important de créer un lieu de recueillement ou de souvenirs favorisant le deuil.

Pratiqués depuis près de 350 000 ans, les rites funéraires sont essentiels aux sociétés humaines. Ils permettent à la communauté de faire le deuil. Pour autant, la relation au corps sans vie varie en fonction des cultures et connaît des évolutions inattendues en contexte sécularisé. Aujourd’hui, nous pouvons prévoir et organiser nos obsèques. Des fleurs aux chansons, nos doléances privent les vivants de décider à notre place.

Sur mon île (la Réunion), lorsque quelqu’un décède, l’avis est annoncé sur les antennes de la radio locale. Ces nouvelles sont écoutées par un grand nombre d’habitants. Elles servent à informer les proches et autres connaissances des communes voisines du lieu de la veillée funèbre. Parfois, la famille portant le deuil voit arriver des personnes perdues de vue depuis des années. Dans ma famille, ces rites sont respectés depuis des générations. Un drap de couleur bordeaux, noir, bleu marine, gris (pour un adulte) ou blanc (pour un enfant) est dressé devant la maison. Le corps est installé dans le salon, souvent l’endroit le plus spacieux. Les gens viennent se recueillir à leur manière, restent quelques minutes, une heure, toute la nuit, prient, chantent, jouent aux cartes aussi. Ils apportent une bouteille, un plat, un gâteau, des fruits, et chacun est libre de se servir. Je me souviens du décès de Julie, une de mes taties paternelles. J’avais 6 ans. L’annonce m’a été faite par mon père : « Tatie est partie, on va la voir ce soir. » Je n’ai pas tout compris, mais je me rappelle mon sentiment de joie à l’idée d’aller chez mes grands-parents. J’y retrouverais certainement mes cousins et cousines. 

Comment j'ai vécu le deuil ?

Devant le portail, un grand rideau était dressé et des bougies allumées nous guidaient jusqu’à l’entrée de la maison. J’avais l’impression d’être conviée à une fête. Il y avait en effet beaucoup de monde, j’en connaissais certains,
d’autres m’étaient parfaitement étrangers. La plupart des visiteurs étaient dans la grande pièce, assis autour du cercueil où tatie me paraissait sommeiller. Ma mère m’a pris la main et m’a accompagnée jusqu’au cercueil, me demandant de dire adieu. Julie était là, devant moi, recouverte d’un drap blanc. Je la trouvais jolie, mais ne comprenais pas la notion d’adieu ni comment je devais opérer. Maman m’a alors proposé de lui déposer un baiser sur le front ou de lui toucher les pieds si je ne souhaitais pas l’embrasser. Je me rappelle mon étonnement au contact de cette peau froide et rigide. Sans aucune question, j’ai rejoint mes cousins dans la cuisine où nous avions un libre accès aux sodas, gâteaux et autres délices. Ils m’ont aidée à comprendre, avec leurs propres mots, le départ définitif de notre tatie. Mes parents, avec les leurs, m’ont expliqué les
faits et ont pris l’exemple d’une fleur : elle naît, s’épanouit, se fane et disparaît. Cette illustration m’a aidée à traverser cette épreuve sans développer de peur ni d’angoisse de la mort. J’ai appris à honorer la vie. (Extrait de : Ma vie de soignante en ehpad : en immersion chez ces grands oubliés)

Marthe livre sa détresse : "ma maman est morte seule".

Lors de la crise sanitaire, de nombreuses personnes n’ont pas pu dire adieu à leurs proches. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, les humains du monde entier ont été interdits d’accompagner leurs morts. La rencontre autour du corps du défunt concrétise son décès et permet aux vivants de faire le deuil. 

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En février 2020, Adrien (98 ans) l’époux de Gilberte (95 ans) décède après 75 années de vie commune. Bien qu’en perte d’autonomie, ce vieux couple vivait heureux à la maison. Désorientée par cette perte brutale, Gilberte perd ses repères : elle ne mange plus, se néglige et passe la majeur partie de son temps au lit. Alarmée par l’état de sa maman, Marthe appelle un médecin qui demande un placement en maison de retraite. Malgré la rareté des établissements et les contraintes administratives, fin février, Gilberte est accueillie dans un ehpad. Durant deux mois, elle sera accompagnée et pourra se remettre sur pieds. Marthe se sent rassurée de savoir sa maman en sécurité, même si la culpabilité de la couper de ses repères et habitudes la ronge. Afin de favoriser l’adaptation de Gilberte, la direction demande à sa fille d’attendre deux semaines avant de lui rendre visite. Marthe ne reverra pas sa maman vivante, elle ne la verra pas morte non plus !

Le 17 mars 2020, la France entière est confinée pour limiter les conséquences de l’épidémie liée à un virus que le monde découvrait à peine : le coronavirus SRAS-CoV-2. Les mesures et injonctions ont pu, par endroits, conduire à des situations humaines dramatiques, aux conséquences physiques et psychologiques certaines. Gilberte n’a pas eu le temps de s’adapter à son nouveau lieu de vie. Esseulée, isolée, triste… elle a perdu toutes les envies.

Ces protocoles funéraires « inhumains » qui empêchent de faire le deuil.

Fin mars 2020, l’ehpad de Gilberte déclare un premier cas de covid, puis un second et rapidement un troisième. Neuf résidents décèdent seuls, privés de leurs proches. Neufs familles, se retrouveront face à un cercueil fermé. La pandémie a ainsi modifié le processus même du deuil. 

Extrait de : « Ma vie de soignante en ehpad : en immersion chez ces grands oubliés »
« Généralement, après un décès, les soignants font la toilette du résident.
L’objectif est de diminuer tout aspect dégradant ou mortuaire du corps. Ils laissent ensuite la place aux pompes funèbres accompagnant les familles. Le chemin pris par Mariette est tout autre. Le personnel assurant la prise en soins du corps d’un résident infecté par le virus doit suivre un protocole spécifique. Il respecte le port des équipements de protection (tablier, gants, masque…). La toilette mortuaire est réalisée en appliquant de strictes précautions. Il met ensuite le défunt dans une housse et la referme soigneusement. Tous disent encore entendre le son, cette fermeture remontant sur le corps. Je reste, quant à moi, marquée par les images des véhicules des pompes funèbres. Les agents étaient vêtus tels des cosmonautes. Comment fait-on le deuil d’un proche lorsque nous sommes privés d’un adieu ? Quelles traces laisse la vision d’un
défunt traité comme étant contagieux ? « 

Partager nos épreuves vécues, nous sentir entendus et soutenus contribuent à nous aider à aller mieux.

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Cet article a 6 commentaires

  1. Clavé

    Très bon travail ! C’est un très beau sujet très bien mis en lumière

    1. Nathalie

      Merci !
      Sujet devenu tabou de notre nouvelle société qui prône la rentabilité, la productivité, la performance, la longévité sans ses conséquences …
      Lorsque nous respecterons à nouveau « la vie », nous pourrons accepter de vivre, de vieillir et de mourir sans peur.

  2. c est un riche et important sujet mort dans nos connaissance puisque c est vecu avec ignorance et auquel vous avez donner la vie .
    bravo

    1. Nathalie

      Merci Mustapha !
      Lorsque nous accepterons à nouveau de laisser le cycle de la vie suivre son cours, sans vouloir le contrôler, nous retrouverons notre sens de l’humanité.

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